Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 30 octobre 1990. Traduction de Michel Miousse
Comme je ne crois pas aux fantômes, je vais essayer de confirmer l’exactitude de l’histoire que je m’apprête à vous raconter, bien qu’elle ait été publiée par plusieurs personnes comme étant réellement arrivée. Elle a dû être racontée encore et encore pendant qu’elle s’est produite et par la suite après qu’elle soit arrivée à Yarmouth, bien qu’elle ne fut imprimée pour la première fois que 40 ans après qu’elle eut lieu lorsqu’un certain Frank R. Ross l’a publié dans une l’édition du 16 novembre 1854 du « San Francisco Golden Era », à plusieurs milliers de miles du quai de Yarmouth où un homme de la place lui en avait parlé quelques semaines avant. Le 25 décembre 1862, le « Yarmouth Herald » reproduisait l’article en première page sous le titre « The Spectre Brig » (Le Brigantin Fantôme), bien que J. Murray Lawson n’a pas pensé qu’elle méritait d’être mentionnée dans son « Yarmouth Past and Present—A Book of Reminiscences. »
En 1960, le 3 avril, le « Yarmouth Light » a donné une version de l’histoire, encore en première page. Elle fut republiée l’année suivante à la demande générale. Nous la retrouvons aussi dans le Vanguard du 15 mars 1967, et du 19 mars 1969. Puis à nouveau dans le « Light Herald » du 11 juillet 1974.
Parmi les auteurs qui nous en ont donné un compte rendu, je veux mentionner George McInnis ; aussi notre folkloriste Néo Écossaise, Helen Creigton (sic), qui vient juste de mourir ; les co-auteurs Diana Dalton et Brian Allen. Je veux mentionner d’une manière spéciale Sœur Catherine Jolicoeur, des Filles de Marie de l’Assomption (Campbell, N.B.), qui a passé deux années à enseigner aux Buttes Amirault, 1960-62, et une année à Yarmouth à la Yarmouth Consolidated School, lorsqu’elle a enregistré sur cassettes plusieurs histoires concernant les gens du sud-ouest de la Nouvelle Écosse. Elle est celle qui a rassemblé le plus d’informations concernant le naufrage du Nelson A. (voir l’article No. 93) que n’importe qui, ce qu’elle apprit directement de Célestin Muise, celui qui a rencontré le capitaine du sous-marin. Alors qu’à Yarmouth, elle a donné une conférence aux membres de la Société Historique du Comté de Yarmouth* sur les « Vaisseaux Fantômes », le 7 mars 1969. La thèse de son doctorat, qu’elle a passé à l’Université Laval, fut publiée en 1970 sous le titre de « Le Vaisseau Fantôme » comprenant 337 pages. Dans celle-ci elle réfère en plusieurs endroits au « vaisseau fantôme Yarmouth. » Bien qu’elle soit encore vivante, j’ai le regret de dire que Sœur Catherine Jolicoeur est complètement invalide, souffrant de la maladie d’alzheimer.
Tout cela ayant été dit et fait, il doit bien y avoir après une part de vérité dans l’histoire que je m’apprête à vous raconter.
Randall McDonald est arrivé à Yarmouth d’Aberdeen, en Écosse, avec sa femme, Rebecca, probablement un peu après 1790 ; son premier enfant enregistré à Yarmouth, du nom de Sally, était née le 8 juillet 1793, selon le « Early Vital Recording of the Township of Yarmouth. » Nous avons les noms de quatre autres enfants, i.e., Alexander, Charles, Randal et Rebecca.
Cependant, il est erroné de dire que Randall McDonald s’est marié en 1810, alors qu’il avait 22 ans.
Selon les Enregistrements de Navigation de Yarmouth compilés par J. Murray Lawson, il avait un brigantin de 200 tonnes construit en 1811, auquel il a donné le nom de « Yarmouth. » Ainsi le propriétaire du « Yarmouth » n’était pas un certain Bruce, et l’année 1812 n’est pas l’année où le « Yarmouth » fut construit, comme il est mentionné dans un des comptes rendus.
Il venait juste d’être construit lorsqu’il quitte Yarmouth pour les Antilles, aux Indes Occidentales Britanniques, avec un chargement de poisson salé et de charpente. Randall McDonald lui-même en était le capitaine ; il avait avec lui sa femme Rebecca et un équipage de neuf hommes. Alors qu’il est aux Antilles, le Capitaine McDonald a envoyé une lettre à Yarmouth via un autre vaisseau statuant qu’ils étaient arrivés sains et saufs et qu’ils seraient de retour à Yarmouth dans quelques semaines. Et ce fut la dernière fois qu’on entendit parler du « Yarmouth », du capitaine, de sa femme et de son équipage. Quelques personnes ont commencé à dire qu’ils savaient que ça allait arriver parce que, selon une croyance commune, il est de mauvais augure d’avoir une femme sur un bateau qui en est à son premier voyage.
Un an plus tard, environ au même temps de l’année où le vaisseau devait revenir l’année d’avant, un bateau a été vu entrant dans le havre de Yarmouth, couvert de grosses toiles, « de la pomme à la quille. » « Il était à une encablure de la rive lorsque son mat principal fut abaissé et son ancre jetée. Les biscuits et les écoutes étaient à veau l’eau et les voiles ramassées étaient en furie. Le bateau se mit par la suite à balancer avec le courant et se retrouva rapidement à un simple ancrage. »
Le premier à voir tout ça était un observateur sur le quai ; il a reconnu immédiatement et sans difficultés le « Yarmouth. » Il se précipita pour aller avertir quelques personnes, qui commencèrent à se demander pourquoi il n’était pas allé au quai. Ils ont attendu pour voir si quelqu’un allait débarquer et venir accoster sur les rives. Mais il n’y avait aucun signe de vie. Alors, quelques hommes ramèrent vers le bateau, et lorsqu’ils arrivèrent près du vaisseau, ils disent qu’ils pouvaient entendre le Capitaine McDonald crier d’une voix rauque : « Restez à distance ! Restez à distance ! » –à ce que raconte l’histoire. Et puis soudain, le vaisseau a disparu dans le néant. Les hommes se regardèrent complètement abasourdis, se demandant s’ils avaient rêvé. Mais ils pouvaient prendre le Très Puissant Dieu à témoin que le « Yarmouth » était là, devant leurs yeux, et que moins de deux secondes plus tard, il n’y était plus.
Vous pouvez vous imaginer le remue ménage qu’une histoire aussi extraordinaire a dû créer dans la petite communauté de Yarmouth. Les « visionnaires » devaient avoir complètement perdu la tête ; on s’est même moqué d’eux. Qu’auriez-vous fait ? Et encore, c’était des gens sérieux qui n’avaient aucun motif quelconque pour inventer une histoire aussi bizarre. Finalement, les semaines et les mois passèrent, et « l’excitation » s’étouffa.
Mais de fil en aiguille ! Exactement un an après, ici revint, entrant dans le havre de Yarmouth, le même « Yarmouth », habillé comme il l’était l’année d’avant.
On ne dit pas ce qui est arrivé cette seconde fois, mais il semble qu’il était recouvert de brouillard et de bruine. L’année suivante, 1814, il est dit que deux hommes réussirent à s’approcher à six ou sept pieds du bateau avant qu’il disparaisse.
Et le « Yarmouth » continua fidèlement ses rendez-vous avec le havre de Yarmouth pendant 60 ans ; C’EST CE QU’ON NOUS DIT ; oui, j’ai dit SOIXANTE ANS. Même l’année de sa dernière apparition nous est donnée de façon précise comme 1872. Il est dit qu’à mesure que les années passaient, l’intensité de la vision diminuait, jusqu’à ce qu’elle disparaisse complètement.
Et c’est l’histoire qui nous est raconté à propos du « Bateau Fantôme le Yarmouth. » Croyez le ou non ! J’allais dire : « C’est incroyable », et pourtant, si tout cela était une falsification, comment pouvons nous expliquer l’attitude d’autant de « visionnaires Yarmouthiens » durant 60 longues années ! Vraie ou fausse, j’ai pensé que ça pouvait être une bonne histoire de fantôme à raconter à la veille de l’Halloween, qui s’est passée dans notre coin.