Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 5 juin 1990. Traduction de Michel Miousse
Aux astronautes, la Nouvelle Écosse doit ressembler à un gros morceau de terre accroché au reste du continent par une étroite bande de terre, prête à être détachée et être soufflée au loin dans l’Océan Atlantique par les gros coups de vents de la force d’un ouragan qui viennent si souvent hanter nos rives. On n’a pas besoin de demeurer longtemps dans les parages pour être témoin de telles tempêtes. Elles ont été enregistrées principalement par les noyades sans nombre et les désastres qui ont eu lieu autour de nous depuis des siècles, laissant dans nos mémoires un effrayant rappel de leurs récurrences.
Durant les derniers trois ou quatre siècles, il y a eu durant chacun d’eux une tempête spéciale qui se démarque des autres. Elles ont été si sévères qu’elles ont fait époque, si on peut dire, tellement que les évènements étaient datés de « avant » ou « après » la grosse tempête. Il est surprenant que ces tempêtes « du siècle » aient eu lieu à des intervalles d’un peu plus de cent ans : En 1976, au 20ième siècle ; en 1869, au 19ième ; en 1759, au 18ième siècle.
Dans le Comté de Yarmouth, la tempête qui a eu lieu le lundi, 2 février 1976, appelée pour cette raison, « La Tempête du Jour de la Marmotte », peut être considérée comme la grosse tempête du 20ième siècle. Personne n’avait jamais rien vu de tel. Tous ceux qui ont aujourd’hui 20 ans et plus se souviennent clairement de cet ouragan lorsque les vents atteignirent 101 miles à l’heure à l’aéroport de Yarmouth et 118 à celui de Greenwood. Les pertes s’élevèrent à des millions et des millions de dollars, plus de quatre millions dans les seuls comtés de Yarmouth et de Digby. Ce qui a causé de telles pertes est que la météo du petit matin rapportait des vents autour de 35 miles à l’heure seulement ; ainsi les gens ne prirent aucune précaution spéciale pour protéger leurs biens, spécialement leurs bateaux et leurs vaisseaux.
Les hautes marées ce jour là sont arrivées sur nos rives à midi, et c’est alors que la tempête a commencé à déferler toute sa furie sur terre et sur mer. Les vagues étaient aussi hautes que 30 pieds. Plusieurs quais le long de la côte furent réduits en charpie et des douzaines et des douzaines de vaisseaux coulèrent ou furent détruits.
Sur terre, plusieurs édifices furent emportés, les arbres déracinés, les poteaux de téléphones cassés. Quelques communautés demeurèrent sans électricité ou sans téléphone pour plusieurs jours.
Bien que selon les journaux de Yarmouth cette tempête fut estimée être la pire tempête de l’histoire de la région, il n’y eut aucune perte de vie.
Le Fundy Group Publications, qui publiait le VANGUARD, se dit qu’elle avait été assez importante pour lui consacrer une publication photo de 24 pages intitulée « La Marmotte ’76 – La Pire Tempête de l’Histoire du Sud Ouest de la Nouvelle Écosse. »
Et c’était la grosse tempête du 20ième siècle.
La grosse tempête du 19ième siècle fut appelée « Le Coup de Vent de Saxby » (Saxby Gale), parce qu’elle fut prédite dix mois avant d’avoir lieu par le Lieutenant John Saxby, R.N., de la Marine Britannique, qui a répété ses mises en garde quelques semaines avant qu’elle se produise. Plusieurs marins ont pris cet avertissement au sérieux et sont restés au port, alors que d’autres se sont moqués de l’idée, mais ce fut à leurs détriments. Elle frappa durant la nuit du lundi 4 octobre 1869, au mardi et laissa une terrible destruction au réveil. On a rapporté qu’en certains endroits de la Nouvelle Écosse « les marées roulaient en formidables gros murs d’eau, atteignant des records de hauteur d’au-delà de 100 pieds et plus… Les pertes en propriétés sur terre et sur mer s’élevèrent à des centaines de millions de dollars. »
C’était une nuit d’un « noir d’encre », lorsque « un grand nombre d’arbres furent déracinés et un grand nombre de grange furent soulevées de leurs fondations à travers le Comté », tel que rapporté par le Yarmouth Herald. » Les trous d’hommes des rues de Yarmouth refluèrent pendant de nombreuses heures, alors que les vagues frappèrent et arrachèrent les quais et tout sur leurs passages. « Le Moulin Gardner fut retourné et démoli. Une quantité considérable de foin fut emportée des marais d’Argyle, la digue a cédé a Tusket Wedge, et sur les 130 balles de foin, seulement 15 furent sauvées. À Pubnico, plusieurs vaisseaux furent échoués et une centaine de balles de foins allèrent à la dérive. »
Pour un bon nombre d’années, le « Coup de Vent de Saxby » (Saxby Gale) fut utilisé comme date de comparaison et évoqué par plusieurs à l’occasion de marées ou de vents inhabituels. Selon les journaux de l’époque, « l’estimation des dommages de la tempête à travers le monde s’élevèrent à des centaines de millions de dollars. »
Et c’était la grosse tempête du 19ième siècle.
La grosse tempête du 18ième siècle eut lieu durant l’Expulsion des Acadiens. Elle a frappé la Nouvelle Écosse durant la nuit du 3 novembre 1759. Elle a retardé le départ de quelques transports qui devaient emmener les Acadiens en exil.
Dans mon article No. 33, dans laquelle je vous ai parlé de la troisième Expulsion des Acadiens du sud de la Novelle Écosse, les 152 Acadiens qui s’étaient caché dans les bois furent emmenés à Halifax par le Capitaine Gorham, où ils arrivèrent le 29 juin. Ils allaient passer plus de quatre mois sur l’Île Georges*, dans le Havre de Halifax*, où parfois, ils eurent à « dormir à la belle étoile. » Durant les deux ou trois premiers jours de novembre, ils furent embarqués à bord du « Mary the Fourth », qui était prévu de partir pour l’Angleterre le 3 du mois. C’est alors que se développa cette même nuit une des pires tempête à avoir frappé les côtes de la Nouvelle Écosse. Le départ dut être reporté au 10 du mois.
Voici comment Beamish Murdock décrit cette tempête (« History of Nova Scotia », II, p. 375) : « Dans la nuit du 3 au 4 novembre 1759, la nuit du samedi et le dimanche matin, est arrivé le plus violent coup de vent que Halifax ait connu. De vastes dommages furent faits aux quais, et le sel et le sucre des magasins près de la plage furent presque complètement ruinés. Deux goélettes furent échouées.
Des milliers d’arbres furent arrachés et, en certains endroits les routes étaient devenues impraticables. Plusieurs milliers de livres de perte furent estimées à être supportées… La tempête détruisit toutes les digues de la Baie de Fundy, et les terres marécageuses maintenant désertées furent inondées et détériorées… »
Cette tempête allait avoir des effets dévastateurs sur le site de Fort Saint-Louis, localisé aux Buttes de Sable, à Villagedale, Comté de Shelburne, dont je vous ai parlé dans mon article No. 43. Elle emporta le sable de la plage qui fut empilé au-dessus du site, cachant complètement les ruines du fort pour plus de cent ans, après quoi, le vent découvrit l’endroit exact des fondations du fort, que j’ai visité pour la première fois vers la fin des années 1920, comme je le mentionnais dans cet article. Il y a quelques années de cela, un certain nombre d’arbres furent plantés pour retenir le sable, au détriment de la poursuite effective des recherches pour les fondations du fort.
On nous dit que cette tempête a eu des effets néfastes sur les censitaires à qui avaient été distribuées les terres qui avaient été laissées vacantes par les Acadiens. Quelques-uns eurent à se déplacer sur des centaines de miles vers une nouvelle communauté.
Et c’était la grosse tempête du 18ième siècle.