Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 29 mai 1990. Traduction de Michel Miousse
Lorsque le Sieur Hector de Grandfontaine vint en Acadie en 1670 sur le « Saint Sébastien », pour en devenir le Gouverneur à Pentagoët (Penobscot, Maine), où il établit la Capitale de l’Acadie, il était accompagné de l’astronome Jean Richer, comme je l’ai dit dans l’article No. 70. Nous savons qu’il y avait à bord un autre passager qui l’accompagnait, du nom de Jean Campagna, quelquefois écrit Campagnard. S’il n’a pas acquis dans le domaine de la science la réputation qui fut attribuée à Jean Richer, il allait acquérir toutefois dans le monde de la sorcellerie, alors qu’il était en Acadie, la douteuse réputation de sorcier.
Né en 1640 à Angoulême, France, à environ 100 km de l’Océan Atlantique, au sud-est de La Rochelle et au nord-est de Bordeaux, Jean Campagna est venu en Acadie comme engagé de Grandfontaine. Il est enregistré comme fermier. Après avoir été deux ou trois ans à Pentagoët, Grandfontaine l’envoie à Port-Royal étant donné qu’il avait suffisamment de nourriture à Pentagoët.
De Port-Royal, il déménage à Beaubassin, situé où sera construit plus tard le Fort Lawrence, dont j’ai parlé dans l’article No. 71. Ici, après quelques temps, il fut accusé d’avoir causé par sorcellerie la mort de plusieurs hommes et animaux domestiques à Beaubassin, particulièrement en 1678, alors que le taux de mortalité était élevé. En 1684, Michel Leneuf, Sieur de la Vallière, alors Gouverneur de l’Acadie, ordonne à Michel Gallant Hache, qui était à son service, de l’arrêter.
Il fut détenu pendant plus de neuf mois avant que s’ouvre son procès. Un des premiers témoins était Andrée Martin, âgée de 40 ans, veuve de François Pellerin, qui certifia qu’en 1675, à Port-Royal, Campagna voulait la frapper, mais qu’elle l’a elle-même avec un bâton parce qu’il insultait une jeune fille. Campagna lui dit alors qu’un jour elle regretterait de l’avoir frappé. Par la suite, en 1678, alors que Campagna travaillait au marais de La Vallière, à Beaubassin, il souffla dans l’œil de son mari, François Pellerin, qui se mit immédiatement à souffrir, la douleur monta dans la tête, et, cette même nuit, il développa une forte fièvre. Il est mort quelques temps après.
Ce témoignage de Madame Andrée Pellerin fut corroboré par de nombreux témoins, dont, Marie Martin, âgée de 43 ans ; Pierre Mercier, âgé d’environ 40 ans ; Martin Aucoin, âgé de 34 ans.
Arrive plus tard Roger Kessy, un Irlandais (l’ancêtre des Acadiens qui portent maintenant le nom de Quessy), âgé d’environ 33 ans. Il témoigne qu’au mois d’avril 1684, Campagna, après avoir reçu une bouteille de spiritueux de La Vallière, vint le voir à sa maison pour lui demander la main de sa fille. Kessy dit qu’il ne pouvait lui donner une réponse immédiate, que sa femme devait aussi donner son consentement ; mais elle était à ce moment là à Monjagouetche (qui etait situé à trois ou quatre miles de la Rivière Missaguash, qui sépare la Nouvelle Écosse du Nouveau Brunswick) il allait lui demander et lui donner sa réponse.
Mais Madame Kessy, probablement en raison de la réputation qu’avait Campagna, refusa. C’est alors que Campagna lui laissa savoir que dans huit jours elle allait le regretter. Elle, de son côté, lui fit savoir qu’il ne pourrait lui faire aucun mal de toute façon. Elle lui dit qu’il était un idiot et qu’elle n’avait rien à craindre.
Huit jours plus tard, quatre des vaches de Kessy devinrent malades, trois d’entre elles étaient sur le point de vêler, en plus d’une jeune génisse et de deux jeunes bœufs. Ils étaient couchés, essayant de manger, mais n’en étaient pas capables. C’est alors que Kessy eut recours aux volontés spirituelles et demanda au Père Claude de venir et de bénir l’eau que les animaux buvaient et la nourriture et le foin qu’ils mangeaient. Mais ce fut en vain.
Le Gouverneur de La Vallière, voyant que Kessy était sur le point de perdre ses animaux domestiques, s’en alla à Moujagouetche ou se trouvait Campagna et lui dit qu’il lui passerait son épée au travers du corps s’il arrivait d’autres accidents à Kessy. Il arriva alors que le matin suivant, lorsque Kessy s’en alla à l’étable, tous les animaux étaient debout sur leurs quatre pattes et ils couraient dans le champ complètement guéris.
D’autres témoins ont certifié, autant en regard des animaux de Kessy qu’en regard d’autres « méfaits » attribués à Campagna, dont Marie Kessy, âgée de 16 ans ; Thomas Cormier, âgé de 50 ans ; et sa femme Madeleine Girouard, âgée de 31 ans ; Françoise Poirier, Isabelle Morin, Marie Godet, etc., etc.
Pierre Godin, pour sa part, certifia qu’il avait été ensorcelé par Campagna. Mais l’ayant menacé de lui faire beaucoup de mal s’il continuait, Campagna retira finalement son sort.
Finalement, Jean Rignault, âgé d’environ 33 ans, (bien qu’il est né en 1655 selon un autre document) vint à sa défense. Il certifia qu’il avait connu Jean Campagna à Pentagoët depuis l’année de son arrivée en Acadie 14 ans plus-tôt. Il avait toujours été un bon et vaillant travailleur et possédait une belle somme d’argent. Il dit que tout le trouble venait du fait que quelques personnes, qui lui devaient de l’argent, pour ne pas être obligés de le payer, commencèrent à dire qu’il était un sorcier.
Par la suite, il fut demandé à Campagna si ce n’était pas vrai qu’un jour il a mis sa main sur la poitrine de Pierre Godin, alors que Godin sautait à ses pieds en lui disant, Toi détestable ! Tu allais me faire mourir ? N’est-ce pas vrai qu’en 1678 tu as soufflé dans l’œil de François Pellerin alors qu’il travaillait au marais du Sieur de La Vallière, et ensuite, sur son lit de mort, ne lui as-tu pas dit qu’il était en bonne position pour un serment ? À cela Campagna répondit (… ?) que lorsqu’ils ont dit ça il faisait référence à lui-même, qu’il était (celui ?) qui souffrait, ajoutant que c’est une expression qui est commune là d’où il vient, utilisée lorsque quelqu’un fait une blague. (…ne peut trouver de sens à ce paragraphe)
Ce procès prit fin le 28 juin 1685, par l’acquittement de Jean Campagna. Était-ce parce que le juge ne croyait pas à la sorcellerie ? Où se figurait-il que c’était simplement une rancune que ces gens avaient envers Campagna, sans raisons sérieuses. On n’en dit rien.