Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 23 janvier 1990. Traduction de Michel Miousse
Il y a eu plusieurs captures ou tentatives de captures par les Acadiens de vaisseaux qui les emmenaient en exil. Dans les comptes rendus qui sont arrivés jusqu’à nous, la tradition en a quelques fois confondue une avec l’autre. La mieux connue de ces captures est celle du Pembrook. Le plus fiable de ces comptes rendus nous vient de Placide Gaudet, le généalogiste Acadien bien connu, qui la tenait d’un petit fils de Pierre Belliveau, dit Piau, de Memramcook, ce Pierre Belliveau était le frère de Charles Belliveau qui dirigea cette capture. Je dois vous notifier qu’ils étaient les frères de Jean Belliveau, l’ancêtre des Belliveau de l’Anse à Belliveau ; ils étaient les fils d’un autre Jean Belliveau et de Madeleine Melanson de Port Royal.
Pendant que les autorités planifiaient l’expulsion des Acadiens, ils invitèrent le Pembrook, un chaland, à venir embarquer les Acadiens pour les emporter en exil. En chemin, il rencontre une tempête qui brise son mat principal. Charles Belliveau qui était un contractant d’atelier et un habile navigateur, fut sommé de remplacer le mat par un nouveau aussitôt que possible. Lorsqu’il demande à être payé, on lui rit en pleine figure. Il menaça par la suite de couper le mat, ce qui était suffisant aux yeux des autorités pour lui donner le montant d’argent qu’il avait espéré.
Il apprit à travers les branches par la suite que deux semaines plus tard il aurait à embarquer sur ce même vaisseau pour être envoyé en exil. Ça se passait le 8 décembre 1755 à 5 heures du matin. Il y avait 226 Acadiens en tout, hommes, femmes et enfants, comprenant 32 familles. Leur destination était la Caroline de Sud.
Une corvette armée, le Baltimore les escorta jusqu’à New York. Lorsque le Pembrook se retrouva à naviguer par lui-même, les prisonniers Acadiens commencèrent à faire des plans pour s’en emparer. Il appert qu’ils reçurent la permission d’aller sur le pont pour de courtes périodes au nombre d’une demi douzaine à la fois. Six des hommes les plus capables ayant pris leur tour sur le pont, parmi eux, Charles Belliveau, on leur demanda après quelques temps de retourner dans le trou, alors que six autres allaient prendre leur place. Au lieu de descendre au trou, les six qui étaient déjà sur le pont s’emparèrent de leurs gardiens, et, avec l’aide des six autres qui venaient de monter sur le pont en plus de quelques autres qui avaient suivi, ce ne fut pas long avant que les huit membres de l’équipage se retrouvent pieds et poings liés, incluant le capitaine.
C’est alors que Charles Belliveau prit le gouvernail. Comme le vent baissait, le vaisseau vira de bord facilement en direction nord toute. Le capitaine dans ses entraves, se mit à beugler qu’il allait briser le mat principal, parce qu’il était faible. Charles Belliveau le traita de menteur et lui dit que c’était lui-même qui avait construit ce mat et qu’il pourrait résister à n’importe quel vent pour l’éternité.
Ils se dirigeaient vers la Rivière St-Jean N.B. Quelques jours avant leur arrivée, ils débarquèrent le capitaine et l’équipage sur la rive, probablement dans le Maine.
Heureusement, en chemin, ils ne rencontrèrent aucun bateau ou vaisseau. Ils arrivèrent à St-Jean le 8 janvier 1756, après avoir passé exactement un mois sur le Pembrook.
Ils avaient été près d’un mois dans les environs de St-Jean lorsque le 9 février, un vaisseau Anglais vint s’ancrer dans le havre de St-Jean, arborant un drapeau Français. Ils dirent qu’ils venaient de Louisbourg et qu’ils étaient à la recherche d’un pilote pour aller s’ancrer un peu plus haut dans le havre. Ne se doutant pas que c’était un piège, un des Acadiens tomba dedans. Il venait à peine de monter à bord du vaisseau Anglais, qui en réalité venait d’Annapolis Royal, que le capitaine hissa le drapeau Anglais et fit feu de ses canons.
Les familles Acadiennes, qui au départ avaient trouvé refuge à l’embouchure de la rivière, avaient été envoyées un peu plus haut où ils seraient plus en sécurité. Quand ils entendirent les canons, ils coururent voir ce qui se passait. C’est alors qu’ils remarquèrent que le vaisseau Anglais se dirigeait vers le Pembrook, sûrement pour s’en emparer. Ils avaient eu le temps de prendre avec eux les armes et les autres objets qui étaient restés à bord. Ils incendièrent ensuite le vaisseau et se mirent à tirer sur le vaisseau Anglais qui fut obligé de quitter.
Le 18 février 1756, le Gouverneur Lawrence écrit à Halifax au Gouverneur Shirley du Massachusetts : « J’ai récemment envoyé un groupe de Rangers à bord d’une goélette à la Rivière St-Jean. Comme les hommes étaient habillés comme des soldats Français et que la goélette battait pavillon Français, j’avais espoir par une telle décision, non seulement de découvrir ce qui se passait là mais aussi de rapporter quelques Amérindiens de St-Jean. L’Officier à trouvé là un bateau Anglais, un de nos Transports qui naviguait de Annapolis Royal avec des habitants Français à bord destinés au continent, mais les habitants eurent le dessus sur le maître et l’équipage et emmenèrent le bateau dans le havre, nos gens l’auraient ramené mais par accident ils se découvrirent trop tôt, suite à quoi les Français incendièrent le bateau. Ils ont rapporté avec eux un homme Français qui leur a dit qu’il n’y avait plus d’Amérindiens en cet endroit depuis un certain temps…il m’a aussi informé qu’il y avait un Officier Français et environ 20 hommes à 23 miles en haut de la rivière en un endroit appelé Sainte Anne, » qui était du côté ouest de l’actuel Fredericton. Il se pourrait qu’il ait informé Lawrence qu’il y avait des hommes à 23 miles en haut de la rivière pour l’induire volontairement en erreur, parce que entre St-Jean et Fredericton, il y a 85 miles.
Parmi les autres témoignages concernant cette capture, nous avons une lettre datée du 31 juillet 1756, des « habitants de la Rivière St-Jean », envoyée au Père Daudin, ancien pasteur d’Annapolis, dans laquelle ils lui disent qu’ils « se sont révoltés sans défense de la part des Anglais, qu’ils ont pris le vaisseau en charge et qu’ils sont heureusement arrivés à la Rivière St-Jean, d’où ils lui ont envoyé cette lettre. » Le Père Daudin n’a jamais vu cette lettre, puisqu’il est mort subitement à Paris le mois suivant, alors qu’il s’apprêtait à retourner en Acadie.
La plupart des Acadiens qui étaient sur le Pembrook ont émigré à Québec, où on trouve encore de leurs descendants.