Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 9 janvrier 1990. Traduction de Michel Miousse
François Lambert Bourneuf est né en Normandie, France, en 1787. En 1809, il s’engage sur un navire marchand armé appelé le « Furieuse » qui commerçait avec les Indes Occidentales Françaises. C’était au temps des Guerres de Napoléon. Sur leur retour de Guadeloupe, au voisinage des Grands Bancs*, le « Furieuse » fut poursuivi pendant 30 heures par un vaisseau de guerre Britannique, qui engagea finalement le combat, tuant 19 hommes et en blessant 60 autres, parmi lesquels François Bourneuf lui-même, qui reçut une balle dans une jambe. Ceux qui survécurent furent emmenés à Halifax ou ils arrivent 27 jours plus tard. Les soldats et les marins furent envoyés en prison sur l’Île Melville*, tout au bout du Bras Nord Ouest*, alors que les blessés furent emmenés à l’hôpital Dock Yard. Bourneuf allait demeurer ici au-delà de 40 jours, après quoi, il fut envoyé en prison avec les autres sur l’Île Melville.
François Bourneuf, dans une longue narration, nous donne les détails de sa capture, de son passage en prison, de son évasion et de sa fuite qui se termina à Pubnico. De là, il déménage à Baie Sainte Marie. Il a eu une brillante carrière à Clare comme marchand et propriétaire de vaisseaux. Il fut élu membre de l’Assemblée Législative, représentant le Comté de Digby de 1843 à 1859. Il décède en 1871. Plusieurs personnes le comptent comme leur ancêtre, bien qu’il n’en reste que très peu aujourd’hui qui portent le nom, comme je l’ai mentionné dans mon article No. 38. Dans cette histoire ci, nous allons suivre brièvement les difficultés et les aventures de son évasion jusqu’à son arrivée à Pubnico.
En 1811, après avoir passé deux ans en prison, le geôlier demanda 20 hommes pour faire des travaux sur la route qui mène à Truro. Âgé de 24 ans, en ayant assez d’être en prison, Bourneuf planifia de s’évader en compagnie de deux autres prisonniers. Il y avait eu de fortes pluies ce soir là. Finalement, vers dix heures, la pluie s’arrête. C’est alors qu’ils furent en mesure d’échapper furtivement à la surveillance des gardiens et s’évader.
Ils ont marché toute la nuit. À l’aube, ils se cachèrent dans les bois, près de l’autoroute principale, pour attendre les soldats qui n’allaient sûrement pas tarder à se lancer à leur poursuite. Les soldats passèrent devant eux sans rien remarquer. Ils demeurèrent là toute la journée et la nuit tombée, ils se remirent en marche. Mais lorsqu’ils arrivèrent au pont, à l’entrée de Truro, ils furent capturés par les soldats qui s’étaient caché sous le pont. Le matin suivant, ils quittent pour Halifax. Bourneuf raconte qu’il était tellement fatigué qu’il était à peine capable de marcher. Mais ce jour là, ils marchèrent au moins 38 miles. Le jour suivant, les trois prisonniers furent envoyés à l’Île Melville et enfermés dans un donjon sous la prison où ils allaient demeurer 10 jours à être nourris au pain et à l’eau. Après avoir purgé leurs peines au donjon, on les envoya travailler dans la prison à des travaux d’art mineur et d’artisanat.
L’année suivante en 1812, il fut envoyé pour travailler à la Route Prospect où il allait demeurer trois mois.
Avec ses compagnons qui avaient participé à sa première évasion, ils planifièrent une autre évasion. Après avoir inspecté les alentours, ils commencèrent à cacher le plus de nourriture possible.
Ayant constaté que sur l’Île Purcell*, qui est située, pas très loin des rives de la Baie Prospect, il y avait plusieurs bateaux, ils décidèrent d’en voler un. Ils se rendirent jusqu’à un endroit où l’Île se trouvait le plus proche de la rive. Bourneuf enlève ses vêtements et nage jusqu’à un bateau puis revient à la rame vers la rive pour reprendre ses vêtements et ses bagages. Une fois les trois dans le bateau, ils se sont mis à ramer et à ramer jusqu’à ce qu’ils soient à bonne distance de la rive. C’est par la suite, alors que Bourneuf s’apprêtait à remettre ses vêtements qu’il s’aperçoit qu’ils avaient été oubliés sur la rive, avec son portefeuille et quelques papiers importants et précieux.
Après avoir hissé les voiles, ils naviguèrent jusqu’à 40 ou 50 miles au large. C’est probablement la raison pour laquelle ils ne furent pas repris, personne n’ayant pensé qu’ils auraient été aussi loin.
Ils passèrent La Have et Liverpool et atteignirent finalement les côtes de Shelburne lorsqu’un épais brouillard se leva. Ils durent attendre deux jours à l’ancre. Ensuite ils reprirent leur fuite pour deux autres jours, jusqu’à ce que leurs voiles se fassent déchirer par un très fort coup de vent. Heureusement, ils avaient des voiles de rechange.
Après avoir été malmenés pendant 8 jours, meurtris de partout et sales de la tête aux pieds, couverts de furoncles, le pain et l’eau potable pratiquement épuisés, ils aperçurent finalement un bateau de pêche, dont ils décidèrent de s’emparer, même s’ils n’avaient comme arme qu’une hache et quelques bâtons. Mais voilà qu’à l’approche du vaisseau, l’équipage de celui-ci les attend avec des fusils, des épées et des bâtons. Tout ce que nos fugitifs pouvaient dire était qu’ils ne leurs voulaient aucun mal ; qu’ils venaient demander pour de l’eau potable et de la nourriture. Il leur fut donné de l’eau et la moitié d’un gros flétan.
Leur autre arrêt fut Port Hébert. Après avoir passé la nuit dans leur bateau, le matin suivant, ils frappèrent à la porte de la première maison qu’ils rencontrèrent. Malheureusement, c’était la maison d’un officier de police. Pour faire une histoire courte, ils eurent à lui raconter leur histoire. Le bateau qu’ils avaient volé fut renvoyé à l’Île Purcell et eux, furent envoyés en prison à Shelburne.
Ils étaient à Shelburne depuis six semaines lorsque les autorités de Halifax envoyèrent des ordres pour qu’ils soient rapatriés à Halifax. Après être monté à bord du vaisseau qui devait les ramener à Halifax, Bourneuf commanda une petite bouteille de rhum, avec laquelle il paya la traite à l’équipage et aux gardiens. Alors qu’ils étaient tous dans la cabine à « boire », Bourneuf monta sur le pont, sauta dans un bateau qui était ancré tout près et se mit à ramer vers Cap Nègre, laissant ses deux compagnons sur le vaisseau. Là, il se mit à marcher ; il s’arrête à environ dix miles de Shelburne. La nuit étant d’un noir d’encre, il s’étendit quelque part et s’endormit pour la nuit. Le matin suivant, à 10 heures, il arrivait à Barrington.
Ici, à la première maison qu’il rencontre, on lui offre à déjeuner. Il dit aux gens qui il est et leur demande où, dans le coin, se trouvent les habitants français. On lui dit d’aller à Pubnico. Prenant ce qui est connu comme la « Route des Neuf Miles » il s’arrête en chemin dans une maison pour prendre un répit pendant l’orage. Il quitte dans l’après-midi sur cette étroite route de boue nouvellement construite et atteint Pubnico vers quatre heures, sain et sauf et en sécurité. Ça devait être à l’automne 1812.
Ainsi se termine l’évasion de François Lambert Bourbeuf, qui s’échelonna sur plus de trois ans. Il allait demeurer à Pubnico jusqu’à l’été 1813, lorsque les autorités de Halifax demandèrent à Benoni d’Entremont comment il osait garder sur son territoire un prisonnier français. Bourneuf fut obligé de déménager à Baie Sainte Marie où il élut finalement domicile.