Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 23 mai 1989. Traduction de Michel Miousse
Son nom était André Lasnier, né aux environs de 1620, à Port La Tour, dans le Comté de Shelburne. J’ai dit « en dehors de Terre-Neuve » parce que, à ce chapitre, la plus jeune des provinces canadiennes nous a devancés de sept ans et même par plus de 600 ans. C’est un fait établi qu’au temps des Vikings, aux environs de 1007, à l’Anse aux Meadows, cet endroit dont je vous ai parlé dans ma précédente histoire, un enfant serait né qui reçut le nom de Snorri Thorfinnsson, fils de Thorfinn Karlesefni et de Gudrid, pour ceux qui sont intéressés par les noms et la généalogie. Ceci se passait durant la quatrième et dernière expédition des Vikings au Nouveau Monde, à la tête de laquelle se trouvait Thorfinn Karlesefni lui-même. Croyez le ou non, en 1883, un habitant des Icelands du nom de Magnus Stephensen se vantait d’être le dernier descendant de ce premier Blanc né au Canada, ou plutôt de ce premier Blanc né en Amérique du Nord.
Encore à Terre-Neuve, le 27 mars 1613, à l’Anse à Cuper*, maintenant appelé Cupids, profondément à l’intérieur de la Baie Conception*, dans la colonie que l’explorateur John Guy avait établi en 1610, est né un « vigoureux garçon. » En ce qui a trait à ses parents, le document que nous avons mentionne seulement que sa mère était « la femme de Nicolas Gure. »
Je dois mentionner ici deux naissances européennes de la première heure au sud de la frontière. En 1587, en Virginie, est né un enfant auquel on a donné le nom de Virginia Dare, un nom qu’une compagnie de chocolat américaine avait jugé approprié de donner à un de ses produits. Un autre nom très approprié fut celui de Peregrine White, nom donné à une petite fille née d’un couple qui était avec les Pilgrims, « pérégrinant » vers Plymouth au Massachusetts. Je ne peux pas dire si Peregrine White est née avant ou après André Lasnier, étant donné que les deux naissances semblent avoir eu lieu en 1620 ; celle de Peregrine White eut lieu en mer, avant que les Pilgrims n’arrivent à Plymouth.
Pour ce qui est de André Lasnier, laissez moi vous dire premièrement que, Charles de Biencourt, qui, de Port-Royal (Annapolis), vint à Chebogue en 1618, comme je l’ai mentionné dans mon histoire no.4, commerçait en même temps à Port La Tour, où quelques-uns de ses hommes étaient stationnés. Nous savons que deux de ces hommes ont engendré des enfants dont les mères étaient Amérindiennes. L’un d’eux était Louis Lasnier.
Il venait de Dieppe en France, un nom qui a continué de résonner pendant plusieurs années au Canada après la Seconde Guerre Mondiale, comme étant l’endroit délivré de l’emprise des Allemands en 1944 par la Première Armée Canadienne.
En ce qui a trait à sa naissance, nous avons l’enregistrement de son baptême, qui eut lieu à Libourne, près d’un important port de La Rochelle ; notons cependant que l’enfant aurait semble t-il auparavant, déjà été baptisé, à sa naissance, par un laïque, bien que nous n’en soyons pas surs ; à Libourne, il fut baptisé par un prêtre, au cas ou le premier baptême n’aurait pas été valide. Ça se passait en 1632, l’année où l’enfant fut emmené en France par son père.
Le document se lit comme suit : « Le 27 décembre 1632, fut baptisé André Lasnier, né au Canada, sur la côte Acadienne, à Port La Tour, fils de Louis Lasnier, natif de Dieppe et d’une femme Canadienne. Il fut baptisé sous condition, au cas où il n’aurait pas été baptisé auparavant. Nous estimons qu’il devait avoir 12 ans ou presque. Son parrain était Arnaud Dumas et sa marraine Jeanne Ferrand. »
Le parrain et la marraine ont signé le document. Ils n’étaient pas inconnus dans l’histoire de l’Acadie, plus particulièrement en relation avec Charles de La Tour. Arnaud Dumas était un important marchand de Libourne un des membres de la compagnie de la Nouvelle France, qui avait été fondée en 1627 pour le développement du Canada par le Cardinal Richelieu, Premier ministre de France. Il semble que Charles de La Tour, qui avait fait le voyage vers la France, soit allé s’adresser directement à lui, demander des secours pour l’Acadie, dont il était le Gouverneur.
En ce qui a trait à la famille Ferrand, Charles de La Tour avait beaucoup de choses à voir avec ses membres. Vous devez vous souvenir que dans ma première petite histoire, j’avais mentionné que Charles de La Tour avait offert la Baronnie de Pobomcoup (Pubnico), non seulement à Philippe Mius d’Entremont et sa femme, mais aussi à Pierre Ferrand et sa femme. Par la suite il y eut Catherine Ferrand, qui fut une des témoins au second mariage de La Tour ; elle était la femme de Guillaume Desjardins, « intendant », homme de confiance et meilleur ami de La Tour. Elle était probablement la sœur de Jeanne Ferrand, la marraine, qui était la femme de Étienne de Mourron, le secrétaire de La Tour. Je dois aussi mentionner que le Major de Libourne, où le baptême eut lieu, était un Ferrand.
Quelques études apprises peuvent objecter que André Lasnier n’était pas nécessairement le premier enfant de sang européen né au Canada, en dehors de Terre-Neuve. Il est écrit que Louis Hébert, un apothicaire qui était en Acadie de façon sporadique, de 1606 à 1613, avait eu un enfant à Port-Royal (Annapolis) en 1606 ; ou que sa femme vint le rejoindre en 1610. Le fait est que sa femme vint au Canada pour la première fois en 1617, avec les trois seuls enfants, que Louis Hébert ait eu d’elle.
Dans une collection de manuscrits publiés, quelqu’un avait inscrit comme titre sur un de ces documents : « Le Premier Enfant Français né en Amérique », relatant la date de son baptême, le 27 octobre 1621.
À Québec, dans le domaine historique, il a été dit qu’une de ses dernières filles, Hélène Desportes, était née entre 1619 et 1621 ; le fait est qu’il hautement improbable que ses parents fussent arrivés à Québec en 1619.
La semaine prochaine je vous raconterai que Port La Tour fut aussi le témoin de la naissance de la première Religieuse née au Canada, peut-être même en Amérique.