Yarmouth Vanguard, le 21 mars 1989
Il s'agit de Marie-Magdeleine Maisonnat, née en 1694-95, fille de Pierre Maisonnat, dit Baptiste, et de Magdeleine Bourg, dont je vous parlais ces deux dernières semaines. Cet enfant devait jouer un rôle primordial dans l'histoire d'Annapolis Royal pendant au moins un demi-siècle.
Quand on lit des enfants de Magdeleine Bourg avec son « deuxième » mari, Pierre LeBlanc, Jr., y compris les ancêtres d'un certain nombre de LeBlanc des comtés de Yarmouth et Digby, à savoir, Jean-Simon et Charles, on aurait peine à croire qu'ils étaient même apparentés. Le révérend Ebenezer Parkman, pasteur de Westboro, Massachusetts, où Jean-Simon LeBlanc a résidé pendant son exil, a tenu un journal dans lequel sont enregistrées 43 visites qu'il a rendues à Jean-Simon et à sa famille de 1756 à 1761. Il le décrit comme être « sociable, gentil, doux et aimable ». Sa demi-sœur, au contraire, semble avoir été dominatrice, franche et peu sociable.
John Knox, un officier de l'armée britannique, qui lui rendit visite à Annapolis un matin d'octobre 1757, nous raconte dans son « Journal historique » de sa visite comme suit : « Voyant un jeune homme vêtu de bleu, avec un chapeau de soldat et la dentelle sur sa tête, j'ai supposé qu'il était le serviteur d'un officier, et j'ai donc dirigé mes yeux vers lui et son chapeau, pour essayer s'il comprendrait l'allusion, mais le pauvre garçon, bien qu'à la solde d'un soldat, était un imbécile; son père avait autrefois été un officier de rang très estimé ici, et était marié à une de ses filles; elle semblait très offensée de voir son petit-fils avec tant de fermeté, a dit: «Je pourrais le regarder, mais elle pourrait m'assurer qu'il était le fils aussi bon que toi, etc. etc.! J'ai malheureusement répondu que je supposais qu'il était le fils d'une milice française… ou des mots dans ce sens. Je ne peux pas décrire sa colère à cette réponse; elle ne put plus se contenir, et, après avoir proféré un grand nombre d'expressions colériques, elle conclut par ce discours : « Moi j’ai rendu bien plus de services au Roi Schorge que toi et possiblement n’en rendra jamais ; et ceci est bien connu des peuples en autorité.» A quoi un Officier qui m'accompagnait, répondit : « C'est vrai, Madame. Je suppose que c'était en conseil. Il allait ajouter quelque chose de plus, mais la dame est devenue si scandaleuse que nous avons trouvé qu'il était temps de décamper.»
Auparavant, John Knox l'avait appelée "une gentille vieille dame française ... d’obédience papiste, dont les filles, petites-filles et autres relations se sont, de temps à autre, mariées avec des officiers et autres gentilshommes de cette garnison (d'Annapolis), dont quelques-uns des premiers étaient d'un rang respectable; les dames acquièrent bientôt une influence, l'esprit du soldat et le caractère du bon officier se modifièrent peu à peu, et succéda à la rusticité; les femmes, en somme, faisaient ce qu'elles voulaient, pourvu qu'elles offraient à leurs maris de bonne humeur une pipe et un verre à pépiement extraordinaire le soir.
L'auteur poursuit en disant que si des hommes Privés étaient pris par un officier dans « un cabaret pour noyer les soucis du jour… quel que soit leur devoir», et ils répondaient : « J'ai été envoyé pour terminer ce travail pour Madame.» Et si le soldat était enfermé, la vieille dame ordonnait qu'il soit relâché de sa propre autorité, ce qui était jugé suffisant et aucune autre enquête ne devait être faite à ce sujet. "Je suis également assuré", dit John Knox, "que cette dame a effectivement présidé des Conseils de guerre dans le fort, lorsque des mesures ont été concertées pour affliger l'ennemi commun, des membres de sa famille et ses compatriotes." En effet, elle a dû hériter quelque chose de son père Baptiste.
En 1711, alors qu'elle avait environ 16 ans, elle épousa William Winniett, né en France de parents huguenots, à Port Royal, devant un ministre protestant, sûrement bien contre la volonté de sa mère. Il fut, pendant un temps, le premier (plus important) marchand de la Province. Son commerce couvrait pratiquement toute la Nouvelle-Écosse, avec des ramifications jusqu'à Boston. En 1729, il reçoit le titre d'Honorable, lorsqu'il devient membre du Conseil du gouverneur à Annapolis, où il manifeste souvent sa sympathie envers les Acadiens, au point d'être détesté et suspect par ses collègues. Il mourut en 1741 par noyade dans le port de Boston au cours d'un voyage d'affaires, donnant tous ses biens, immobiliers et personnels, qui étaient considérables, «à ma femme bien-aimée Magdeleine Winniett», qu'il avait nommée unique exécutrice testamentaire.
On ne sait pas quand est décédée Marie-Magdeleine Maisonnat. Dans le recensement d'Annapolis de 1768, elle est enregistrée comme vivant seule. Mais en 1770, il y a avec elle deux « Acadiens » et deux autres personnes, qu'on dit « Américains ».
William Winniett et Marie-Magdeleine Maisonnat ont eu 13 enfants, sept garçons et six filles, tous nés à Annapolis. Les filles épousèrent des hommes importants : Anne a épousé Alexander Cosby, commandant à Canso, lieutenant-gouverneur d'Annapolis, lieutenant-colonel du 40e régiment, beau-frère de Richard Philipps, gouverneur de la Nouvelle-Écosse ; Elizabeth a épousé le major John Hatfield, gouverneur d'Annapolis, jusqu'à ce qu'il succède à Halifax à Charles Lawrence en tant que lieutenant-général ; et Marie-Magdeleine, du nom de sa mère, a épousé Edward Howe, l'un des principaux hommes d'Annapolis, très connu dans l'histoire pour avoir été frauduleusement assassiné par les amérindiens qui l'accusaient de les avoir insultés dans leurs croyances religieuses.
En ce qui concerne les garçons, Joseph est devenu membre de l'Assemblée législative d'Halifax et juge de la Cour des successions. Ils étaient les grands-parents de William Robert Wolseley Winniett, gouverneur de la colonie de Cape Coast en Afrique de l'Ouest et gouverneur-général du district de Cape Coast. Un autre garçon, William, inscrit dans les registres paroissiaux sous le nom de Guillaume Ouinet, est le seul de la famille à avoir épousé une Acadienne, envoyée en exil à Boston par son beau-frère, John Hatfield.
Et voilà l'histoire de Marie-Magdeleine Maisonnat, de sa mère Magdeleine Bourg et de son père Pierre Maisonnat. Comme la France avait son Cyrano de Bergerac, l'Acadie avait son Baptiste de Bergerac.